Crise Mali-Algérie : L’Affrontement Diplomatique aux Nations Unies
Le drone abattu qui ravive les tensions régionales et menace l'équilibre géopolitique du Sahel.

Une nouvelle escalade entre le Mali et l’Algérie secoue le Conseil de sécurité de l’ONU. La destruction d’un drone malien à la frontière algérienne fait émerger de graves accusations réciproques. Au cœur du conflit : la souveraineté territoriale, les alliances régionales, et le spectre d’une guerre indirecte. Voici ce que vous devez savoir.
Le drone qui a mis le feu aux poudres
Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, un drone des forces armées maliennes s’écrase dans la région de Kidal, près de Tanenzawaté, à quelques kilomètres de la frontière algérienne. Immédiatement, l’armée algérienne revendique sa destruction, affirmant qu’il violait l’espace aérien national.
Le gouvernement malien, de son côté, réfute catégoriquement, déclarant que l’appareil était à 9,5 km au sud de la frontière, donc en territoire malien. Il exige des preuves formelles de la part d’Alger, restées, selon lui, sans réponse satisfaisante après plusieurs jours. En représailles diplomatiques, Bamako adresse une plainte officielle au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Un duel diplomatique au Conseil de sécurité
Le Mali et l’Algérie ont chacun transmis une lettre aux Nations Unies pour dénoncer l’autre. Toutefois, aucune des deux parties n’a officiellement demandé une réunion ni une intervention directe. Il s’agit davantage d’un geste symbolique : signaler au monde leur version des faits et préparer l’opinion internationale en cas de représailles.
Fait notable : c’est la France qui préside actuellement le Conseil de sécurité, un acteur aux relations fortement dégradées avec Bamako. De plus, l’Algérie siège comme membre non permanent, ce qui donne à ce bras de fer un parfum particulier de jeu d’influences.
Des tensions historiques ravivées
Cette crise n’est pas née d’hier. En novembre 2023, la reconquête de Kidal par les autorités maliennes pousse les rebelles touaregs à se replier à la frontière algérienne. L’Algérie, accusée de passivité face à cette situation, devient vite une cible des soupçons maliens.
Le voyage en décembre 2023 de l’imam Mahmoud Dicko en Algérie, où il est reçu avec les honneurs par le président algérien, attise encore plus la méfiance du pouvoir malien, qui y voit un soutien tacite à l’opposition.
Le climat se détériore : rappel d’ambassadeurs, fermeture de l’espace aérien, et accusations de l’Algérie de servir de base arrière aux rebelles armés, parfois soutenus par des acteurs extérieurs comme l’Ukraine, selon certaines sources citées dans la vidéo.
La Cédéao, entre dialogue et contradictions
Face à cette montée des tensions, la CEDEAO appelle les deux pays à privilégier le dialogue et à activer les mécanismes régionaux de médiation. Un appel à l’apaisement qui peut sembler paradoxal venant d’une organisation qui, récemment encore, envisageait une intervention militaire contre le Niger.
Cela souligne les contradictions internes et les luttes d’influence qui traversent les institutions ouest-africaines dans un contexte géopolitique toujours plus tendu.
Le dilemme du Niger : fidélité ou intérêts ?
La position du Niger, allié du Mali dans l’Alliance des États du Sahel (AES), est scrutée de près. En tant que partenaire économique important de l’Algérie, notamment via un projet stratégique de pipeline pétrolier, Niamey se trouve face à un dilemme cornélien : soutenir un allié militaire ou préserver ses intérêts économiques.
D’un côté, l’Algérie a été l’un des rares pays à s’opposer fermement à une intervention militaire de la CEDEAO au Niger en 2023. De l’autre, la pression de l’AES pousse le Niger à se montrer solidaire du Mali face aux accusations d’hostilité algérienne. Le choix de Niamey pourrait bien reconfigurer les équilibres régionaux.
Une affaire technique… hautement politique
Au cœur de l’affaire se pose une question purement technique, mais au potentiel explosif : où se trouvait exactement le drone au moment de sa destruction ? Le Mali affirme posséder des coordonnées GPS précises, mais l’Algérie assure que toutes les preuves sont disponibles sur son site officiel.
La vérité technique semble désormais secondaire face aux enjeux politiques, militaires et diplomatiques. Chaque partie cherche à gagner la bataille de la communication internationale, quitte à instrumentaliser les faits.
Guerre en vue ou bras de fer diplomatique ?
Malgré la gravité des accusations, il est encore trop tôt pour parler d’un conflit armé entre le Mali et l’Algérie. Cependant, la situation pourrait dégénérer rapidement si un nouvel incident venait à se produire.
La solidarité du Burkina Faso et du Niger avec le Mali pourrait également entraîner un affrontement indirect entre blocs régionaux. D’autant que des puissances comme la Russie, la France et même l’Ukraine sont, de près ou de loin, évoquées dans ce jeu d’alliances croisées.
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Conclusion : une poudrière sous contrôle ?
Le Sahel, déjà fragilisé par le terrorisme et l’instabilité politique, se retrouve au bord d’une nouvelle crise. La dispute entre le Mali et l’Algérie, sous couvert de souveraineté aérienne, révèle des fractures diplomatiques profondes, des jeux de pouvoir opaques, et des intérêts économiques divergents.
Reste à savoir si les appels au dialogue de la CEDEAO, les calculs stratégiques du Niger, ou la pression internationale suffiront à désamorcer cette bombe diplomatique. Une chose est sûre : les prochains mois seront déterminants pour l’équilibre de la région.