Ibrahim Traoré

Burkina Faso : Ibrahim Traoré a-t-il eu tort de gracier les putschistes ? Une décision qui divise

En libérant 21 militaires impliqués dans une tentative de coup d’État, le président Traoré suscite une controverse nationale sur la justice, le pardon et les priorités d’un pays en guerre.

Le président burkinabè Ibrahim Traoré a récemment gracié 21 soldats condamnés pour une tentative de putsch contre le gouvernement de transition en 2015. Cette décision, perçue par certains comme un acte de réconciliation, soulève toutefois des inquiétudes quant à la sécurité nationale, la mémoire des événements passés, et la cohérence des priorités dans un pays confronté à une guerre contre le terrorisme. Faut-il vraiment pardonner ceux qui ont trahi la République ?


Une grâce présidentielle controversée

Dans un décret publié par les autorités, le président Ibrahim Traoré a gracié 21 militaires impliqués dans le coup d’État manqué de septembre 2015, fomenté par des proches de l’ex-président Blaise Compaoré. Cette tentative visait à renverser le gouvernement de transition dirigé à l’époque par Michel Kafando et Isaac Zida, suite à la chute de Compaoré en 2014.

Parmi les figures emblématiques de cette rébellion figuraient le général Gilbert Diendéré et le diplomate Djibril Bassolé, respectivement condamnés à 20 et 10 ans de prison. Si la plupart des médias ont salué l’acte de clémence, d’autres s’interrogent sur ses motivations profondes.


Pardon ou imprudence ? Le dilemme du chef

Accorder le pardon politique à des hommes ayant voulu faire tomber l’État pose une question de principe : peut-on vraiment faire confiance à ceux qui ont déjà trahi une fois ? Le commentaire d’un intervenant de la vidéo est sans détour : « Un homme intelligent pardonne, mais n’oublie jamais. »

Dans une région du monde où les putschs militaires sont monnaie courante, libérer des officiers expérimentés dans la subversion revient, pour certains, à jouer avec le feu. D’autres estiment qu’il s’agit d’un calcul stratégique visant à renforcer les effectifs de l’armée face à l’urgence sécuritaire, les graciés étant appelés à combattre les groupes terroristes.

Mais cette politique du « recyclage militaire » ne comporte-t-elle pas des risques pour l’unité de la nation ?


Contexte historique : une mémoire que le peuple n’a pas oubliée

Le coup d’État de 2015, bien que rapidement avorté, a marqué les esprits. Il était perçu comme une tentative de retour en arrière, une résurgence de l’ancien régime rejeté par la révolution populaire de 2014. Pour de nombreux Burkinabè, voir ces hommes revenir sur la scène publique, même en uniforme et sous commandement, ravive les douleurs de la trahison.

Contrairement à ce que certains prêchent, « l’oubli » n’est pas une vertu, surtout lorsque les blessures de l’histoire sont encore ouvertes. Le Rwanda, par exemple, n’a jamais cessé de commémorer le génocide de 1994. Aux États-Unis, les peuples amérindiens ont reçu des compensations pour les injustices subies. Pourquoi l’Afrique francophone devrait-elle « tourner la page » aussi vite ?


Une stratégie de guerre déguisée ?

Dans un pays où l’insécurité grignote des pans entiers du territoire, cette grâce présidentielle pourrait être motivée par un impératif pratique : renforcer les rangs de l’armée avec des hommes expérimentés. Traoré semble vouloir transformer ces anciens ennemis en soldats de la nation, affectés au front pour affronter les groupes terroristes.

Mais la question subsiste : peut-on vraiment compter sur la loyauté de ceux qui ont déjà pris les armes contre l’État ? Les zèbres ne deviennent pas des chevaux, dit un proverbe cité dans la vidéo. Les habitudes ont la vie dure, et les ambitions politiques des anciens officiers ne disparaissent pas en prison.


Une guerre des priorités : prière, télévision et mobilisation nationale

Au-delà de la décision politique, la vidéo soulève un débat de fond sur les priorités du peuple burkinabè. Alors que le pays est en guerre, certains continuent à se réfugier dans la prière quotidienne, d’autres dans des émissions de divertissement comme Qui veut épouser mon fils ou Le Bachelor. Ces programmes viennent d’ailleurs d’être interdits par le Conseil supérieur de la communication, jugés contraires aux mœurs et à la culture nationale.

Le message est clair : le Burkina Faso n’a pas besoin de distractions, mais de mobilisation. Il ne s’agit plus de séduire une mère à la télévision, mais de défendre sa propre mère-patrie.


Le patriotisme comme réponse à la crise

Selon l’auteur de la vidéo, la nation doit réorienter ses ressources culturelles et économiques vers des projets éducatifs, scientifiques et patriotiques. Pourquoi ne pas financer des émissions qui récompensent les jeunes inventeurs, les développeurs de drones, ou les chercheurs burkinabè ? Pourquoi ne pas organiser des concours où la créativité, l’innovation et le courage sont mis à l’honneur ?

La jeunesse burkinabè a soif de sens, pas seulement de spectacle. Si le président Traoré veut réellement incarner un changement, il devra faire plus que gracier des militaires. Il devra bâtir une vision nationale tournée vers l’excellence, la justice et la souveraineté.

A Lire: Ibrahim Traoré et la Révolution du Burkina Faso : Un Modèle pour l’Afrique ?


Conclusion : Le pardon, une arme à double tranchant

La décision d’Ibrahim Traoré de gracier les putschistes de 2015 ne peut être ni simplifiée, ni jugée hâtivement. Elle s’inscrit dans un contexte complexe où la paix, la réconciliation et la sécurité nationale s’entremêlent. Mais elle doit s’accompagner de garanties solides : encadrement strict, contrôle du pouvoir militaire, engagement clair pour la démocratie.

Le pardon est une force. Mais l’oubli peut être une faiblesse. Pour éviter de répéter les erreurs du passé, le Burkina Faso doit se souvenir de son histoire, tout en bâtissant un avenir fondé sur l’éducation, la culture, et l’éveil citoyen. Une priorité qui commence à l’école, à la télé, dans les familles, et dans les casernes.

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