Accord nucléaire Russie-Burkina Faso : une alliance stratégique pour l’énergie en Afrique de l’Ouest
Un partenariat historique entre Moscou et Ouagadougou pour une centrale nucléaire aux retombées majeures.

Le Burkina Faso vient de franchir une étape historique : le pays d’Ibrahim Traoré vient de signer un accord avec la Russie pour construire sa toute première centrale nucléaire. Ce qui veut dire que le Burkina pourrait devenir le deuxième pays d’Afrique à produire de l’électricité à partir du nucléaire. Alors, pourquoi le Burkina se tourne-t-il vers le nucléaire ? Que contient exactement ce partenariat avec Moscou ? Et surtout, quelles sont les conséquences géopolitiques d’un tel accord dans un contexte mondial déjà tendu ?
Une décision stratégique portée par le besoin urgent d’énergie
Le Burkina Faso connaît une pénurie chronique d’électricité, avec un taux d’accès national inférieur à 20 %. Dans un tel contexte, l’implantation d’une centrale nucléaire représente bien plus qu’un simple projet énergétique : c’est un choix stratégique, un levier de développement, un symbole de souveraineté.
Le président de la transition, Ibrahim Traoré, en est convaincu. Il estime que certaines opportunités ne se représentent qu’une seule fois dans une vie – et que cet accord avec la Russie est l’une de ces rares fenêtres à ne pas manquer. D’où sa volonté de ne pas laisser passer cette chance, malgré les critiques ou les incertitudes.
Une vision audacieuse : du nucléaire au cœur de l’Afrique de l’Ouest
Le Burkina Faso, situé au cœur de la sous-région ouest-africaine, bénéficie d’une position géographique stratégique. En développant une centrale nucléaire, il pourrait fournir de l’électricité non seulement pour son propre usage, mais aussi à ses voisins.
L’accord vise donc une portée régionale. Et comme le pays manque d’infrastructures énergétiques solides, la Russie intervient à tous les niveaux :
- Fourniture de fonds (80 % du financement).
- Fourniture de matériaux et technologies.
- Envoi de personnel qualifié.
- Livraison de carburant nucléaire (uranium), que le Burkina ne produit pas actuellement.
Un projet piloté par Rosatom : l’expertise russe à l’œuvre
La mise en œuvre de ce méga projet nucléaire est confiée à Rosatom, l’entreprise publique russe spécialisée dans l’énergie atomique. L’accord prévoit une répartition des parts à hauteur de 85 % pour la Russie et 15 % pour le Burkina Faso, sur une durée de 20 à 25 ans.
À première vue, cette répartition peut sembler inégale. Mais comme le rappelle le discours officiel, la Russie finance presque intégralement le projet, fournit le combustible, le personnel et les moyens logistiques. En retour, le Burkina Faso obtient un accès à une énergie stable et abordable, tout en bénéficiant d’un transfert de compétences technologiques inédit.
Une opportunité de formation et de montée en compétences
Au-delà de l’énergie, cet accord ouvre la voie à un transfert de savoir-faire. Des ingénieurs et techniciens burkinabés seront formés en Russie ou sur le terrain, au contact des spécialistes russes.
Ce processus permettra au pays, à terme, de réduire sa dépendance technologique et d’envisager un avenir où les centrales nucléaires pourraient être conçues, gérées et entretenues localement.
Comme l’a souligné le président Traoré, ce projet laissera une trace dans l’histoire, même après son mandat. Il ne s’agit pas seulement d’un contrat énergétique, mais d’un legs pour les générations futures.
Une approche inspirée d’autres modèles africains
Le Burkina Faso n’est pas le seul pays africain à adopter une approche de partenariat stratégique avec des puissances étrangères. L’exemple évoqué est celui de l’Ouganda, qui a confié à des entreprises chinoises la construction de routes contre une gestion temporaire des péages.
Dans le cas du Burkina Faso, le deal énergétique repose sur un modèle de concession limité dans le temps. La centrale, une fois amortie, pourrait être totalement reversée à l’État burkinabé.
Certains critiqueront ce type d’accord, mais en l’absence de fonds, de compétences ou de technologies, le choix est clair : avancer avec appui ou stagner dans le manque.
Une alliance aux multiples volets : énergie, hydrocarbures et infrastructures
L’accord nucléaire n’est qu’une facette de la coopération entre la Russie et le Burkina Faso. Les discussions portent également sur :
- La réorientation des importations d’hydrocarbures depuis la Russie.
- Le soutien russe pour la construction d’infrastructures routières, via la fourniture de bitume et de produits dérivés du pétrole.
- La volonté de tisser un réseau durable de relations économiques, capable de résister aux pressions extérieures.
Cette coopération tous azimuts traduit une ambition claire : diversifier les partenaires du pays, tout en consolidant une autonomie stratégique.
L’énergie nucléaire comme levier d’émancipation
L’énergie nucléaire, souvent perçue comme un domaine réservé aux grandes puissances, devient ici un outil d’émancipation nationale. Avec une centrale nucléaire opérationnelle, le Burkina Faso pourra :
- Réduire considérablement ses dépenses d’importation énergétique.
- Créer des emplois qualifiés dans un secteur hautement stratégique.
- Accélérer son industrialisation, en fournissant de l’électricité stable et bon marché.
- Renforcer son poids géopolitique dans la sous-région.
Mais surtout, il pourra envisager l’avenir avec plus de sérénité, en sortant de la dépendance énergétique qui freine tant de pays africains.
Conclusion : un pari sur l’avenir et sur la souveraineté
En signant cet accord nucléaire historique avec la Russie, le Burkina Faso choisit la voie de l’audace et de la vision à long terme. Dans un monde multipolaire en mutation, cette décision témoigne d’une volonté de reprendre le contrôle de son destin énergétique et industriel.
Certes, les défis seront nombreux : gestion du projet, sécurité, transparence, indépendance technologique. Mais l’essentiel est là : le pays ose faire un pari sur lui-même, pour sortir de la précarité énergétique et bâtir un avenir durable.
Reste à voir si cette opportunité unique tiendra toutes ses promesses… et si, à l’image du militaire qui part au front, le retour en vaudra le combat.