Gabon

Le pouvoir mystique au Gabon : un rituel d’investiture qui interroge

Le nouveau président gabonais a-t-il été investi par la politique ou par les esprits ?

Le Gabon a récemment été le théâtre d’une cérémonie d’investiture inhabituelle et mystique qui soulève bien des questions. Entre rituels ancestraux, invocations aux esprits et symbolisme spirituel fort, le nouveau président Brice Clotaire Oligui Nguema a été intronisé dans une mise en scène où le pouvoir semblait tout autant être transmis par les urnes que par les forces invisibles du Gabon.


Une investiture entre tradition, spiritisme et autorité militaire

Dès les premiers instants, la cérémonie donne le ton : le pouvoir est décrit comme puissant, glissant, dangereux, et même comparable au désir de Satan dans les récits religieux. Cette introduction place la quête du pouvoir dans une dimension presque sacrée, voire mystique.

L’événement lui-même est très codifié : on proclame l’élection du nouveau président devant Dieu, les esprits et les ancêtres du Gabon, à l’est, au sud, à l’ouest, comme pour sanctifier chaque point cardinal du territoire. Il ne s’agit plus seulement de gouverner un pays, mais de le dominer spirituellement.

Les esprits du Gabon, nouveaux électeurs ?

La répétition d’une formule clé revient sans cesse : « que tous les esprits de la terre du Gabon lui soient soumis ». Ici, le président n’est pas seulement investi par des institutions humaines, mais aussi par une entité surnaturelle liée au sol gabonais. Ce syncrétisme assumé entre la politique et la spiritualité traditionnelle provoque stupeur et fascination.

On assiste à un mélange rare entre les codes militaires (avec la présence d’hommes en uniforme) et les codes mystiques (avec des « guerriers traditionnels » en tenue rituelle). L’investiture devient alors un moment où l’autorité politique s’allie aux forces invisibles.

La purification spirituelle du chef d’État

Plus étonnant encore, le président reçoit une « purification ». On parle de couper les iniquités héritées de ses parents, de briser les « liens familiaux » et de « nettoyer les mauvaises étoiles ». L’acte est hautement symbolique : le chef de l’État doit entrer « dans le nouveau Gabon » avec les mains pures.

Cette démarche, qui peut être vue comme une sorte d’exorcisme politique, pose la question : faut-il purifier un homme pour qu’il puisse diriger ? Et dans ce cas, quelle est la place de la religion officielle, ou même de la laïcité ?

Les symboles : l’eau, le parfum, le feu, la lance

Tout au long de la cérémonie, l’eau est versée, le parfum est appliqué, le feu est invoqué, une lance est remise. Chacun de ces objets a un poids spirituel puissant :

  • L’eau : symbole de purification et de vie.
  • Le parfum : pour que tout ce que touche le président soit « bon ».
  • Le feu : symbole du pouvoir créateur et destructeur.
  • La lance : instrument de justice, d’ordre et d’autorité.

Le rituel se conclut par une proclamation solennelle : aucune force, ni sur terre, ni sous la mer, ni dans les cieux, ne pourra s’opposer à lui tant qu’il reste sur la voie divine. Cette phrase, à elle seule, résume la puissance symbolique de la cérémonie.

Une vision dérangeante pour certains, inspirante pour d’autres

Face à ce spectacle, certains présidents africains présents semblent amusés, d’autres stupéfaits ou même choqués. Mais les réactions ne doivent pas faire oublier un point crucial : la croyance joue un rôle central dans l’exercice du pouvoir en Afrique. Qu’il s’agisse du Dieu des chrétiens, des esprits ancestraux ou d’autres forces mystiques, la foi agit sur les esprits et donc sur les choix politiques.

La transcription fait aussi écho au placebo médical : ce n’est pas toujours ce que vous prenez qui vous guérit, mais ce que vous croyez avoir pris. Ainsi, la croyance du peuple dans le pouvoir mystique de leur leader pourrait-elle renforcer sa légitimité ?

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Conclusion : un pouvoir entre ciel et terre

Cette investiture gabonaise montre qu’en politique africaine, le pouvoir n’est pas qu’une affaire de votes, mais aussi de forces invisibles. La croyance, la tradition, la spiritualité jouent un rôle majeur dans la construction de l’autorité. Cette dimension mystique, souvent ignorée par les analyses occidentales, est au coeur de nombreux régimes africains.

Alors, le président du Gabon est-il un chef d’État ou un chef spirituel ? Peut-être les deux. Ce qui est certain, c’est que son intronisation a été bien plus qu’une simple formalité politique : elle était une reconnection entre l’homme, les ancêtres et la terre.

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Plongez-vous dans un univers captivant où chaque texte est une fenêtre ouverte sur des sujets variés, allant de la géopolitique africaine aux questions de vie et de la société africaines et autres. Zack Mwekassa: Le Guérier Noir, Votre Frère.

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