Le meurtre d’Agnès Wanjiru : quand une jeune mère kenyane est sacrifiée au nom de l’impunité britannique
L’histoire tragique d’Agnès Wanjiru, jeune mère de 21 ans tuée au Kenya par un soldat britannique, met en lumière l’impunité des armées étrangères, la négligence des gouvernements africains et les réalités brutales vécues par des milliers de femmes invisibles.

Agnès Wanjiru, une jeune mère kenyane, a été retrouvée morte en 2012 après avoir été vue avec un soldat britannique. Malgré des preuves accablantes, aucune justice n’a été rendue. Ce drame soulève des questions profondes sur l’impunité militaire, l’abandon étatique et le sacrifice silencieux des femmes africaines dans un contexte postcolonial toujours marqué par la domination occidentale.
Le drame d’une jeune femme : Agnès Wanjiru, 21 ans, mère et victime
Le 30 mars 2012, Agnès Wanjiru, jeune femme de 21 ans, quitte son domicile à Nanyuki, une ville de l’est du Kenya, laissant derrière elle sa fille de cinq mois. Elle est aperçue pour la dernière fois en compagnie d’un soldat britannique dans un bar local. Quelques semaines plus tard, son corps est découvert dans une fosse sceptique de l’hôtel Lions Court.
Le choc est immense. Une autopsie conclut à un meurtre avec des signes de violence. L’enquête kenyane identifie clairement un soldat britannique comme suspect principal, basé à la BATUK (British Army Training Unit Kenya), une base militaire britannique bien implantée au Kenya depuis l’époque coloniale.
Une impunité honteuse : pourquoi personne n’a été poursuivi ?
Dès 2019, une enquête judiciaire kenyane affirme que des soldats britanniques sont responsables de la mort d’Agnès. Des témoignages de militaires confirment même que le meurtrier présumé aurait montré le corps à un camarade. Pourtant, aucune charge n’est retenue.
Pourquoi ?
Parce que le Royaume-Uni affirme que ses soldats ne peuvent être jugés au Kenya, invoquant des accords bilatéraux flous et une juridiction limitée. En 2023, la High Court kenyane est même saisie d’une demande de rejet de plainte par la défense britannique, au motif que le tribunal n’a pas compétence.
Une décision qui soulève une question : comment un crime aussi grave peut-il rester impuni ? La réponse se trouve dans les rapports de domination postcoloniale et dans la fragilité des institutions africaines à faire respecter la justice, surtout face aux grandes puissances occidentales.
Une diplomatie de façade : des excuses, mais aucune réparation
En 2024, le ministre britannique de la Défense se rend au Kenya et rencontre la famille d’Agnès. Il présente ses excuses… mais rien de plus. Aucune indemnisation, aucune poursuite, aucun engagement concret.
La famille d’Agnès, vivant dans une grande précarité, attendait au moins un geste financier, ou une forme de reconnaissance institutionnelle. Sa sœur, qui élève désormais l’enfant d’Agnès, se retrouve seule face à l’absence totale de soutien – ni du Royaume-Uni, ni du gouvernement kényan.
Cette rencontre stérile révèle une vérité brutale : le système est conçu pour protéger les puissants. Les excuses ne coûtent rien. La justice, elle, exige un vrai courage politique.
Le contexte colonial et la présence militaire britannique au Kenya
La présence britannique au Kenya ne date pas d’hier. Depuis l’époque coloniale, Londres y entretient des bases militaires, notamment à Nanyuki, où des exercices d’entraînement intensifs sont menés chaque année avec près de 10 000 soldats.
Mais ces activités ne sont pas sans conséquences :
- Utilisation de phosphore blanc, une substance chimique aux effets destructeurs sur la santé humaine.
- Déploiement de tétril, un explosif toxique utilisé sans autorisation claire.
- Pollution des sols, brûlures sur des civils, maladies inexpliquées dans les zones d’entraînement.
Ces pratiques sont dénoncées par des avocats kényans comme Kelvin Kubai, qui représente des familles victimes de l’armée britannique. Il parle d’une opacité totale, d’un non-respect des règles environnementales et sanitaires, et d’un gouvernement kényan complice par son silence.
Le prix d’une vie : comment les femmes africaines sont abandonnées
Agnès Wanjiru n’est pas une exception. Elle est le symbole d’une jeunesse africaine abandonnée à elle-même, poussée par la pauvreté à chercher des solutions dans des situations souvent dangereuses. À 21 ans, mère célibataire, orpheline, elle voit dans cette rencontre avec un soldat britannique une opportunité d’améliorer la vie de son enfant.
Mais ce qui devait être une chance devient un piège mortel.
Beaucoup de jeunes femmes africaines poursuivent des chimères dans des relations avec des hommes étrangers, souvent pour des raisons économiques. Ce choix, parfois contraint, les expose à des abus, des violences, voire la mort.
Un échec collectif : entre silence politique et faillite sociale
Ce drame met en lumière une double démission :
- Du gouvernement kényan, incapable de protéger ses citoyens ou d’exiger justice.
- De la société, où les jeunes femmes sont livrées à elles-mêmes, sans cadre, sans mentorat, sans soutien émotionnel ou psychologique.
Les voix sages, les aînés capables de guider, manquent cruellement. Dans de nombreuses cultures africaines, le dialogue entre générations est quasi inexistant, laissant les plus jeunes affronter seuls des décisions lourdes de conséquences.
Conclusion : quand le silence tue plus que les balles
L’histoire d’Agnès Wanjiru est un appel au réveil. C’est un cri étouffé dans le vacarme des priorités géopolitiques. Derrière ce nom, il y a une mère, une sœur, une fille, qu’un système a écrasée sans remords. Ni le Royaume-Uni, ni le Kenya, n’ont su faire preuve de responsabilité.
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Cette affaire illustre combien la vie d’une femme africaine peut être considérée comme négligeable dans les calculs diplomatiques. Pourtant, chaque injustice ignorée construit un monde plus dangereux, plus cynique.
Il est temps que les États africains reprennent leur souveraineté morale. Que la vie de leurs citoyens vaille autant que celle de n’importe quel autre. Et qu’enfin, la justice ne soit plus une faveur, mais un droit.