Ukraine-Afrique : Quand Kiev Arme et Nourrit l’Afrique pour Combattre la Russie

Depuis 2025, l’Ukraine multiplie les initiatives en Afrique : ouvertures d’ambassades, livraisons de céréales, coopération militaire… Objectif ? Contrecarrer l’influence russe sur le continent. Mais derrière les apparences humanitaires, certains y voient une instrumentalisation de l’Afrique dans un conflit international qui la dépasse. Cet article décrypte cette stratégie complexe.

Une guerre russo-ukrainienne qui s’exporte sur le sol africain

La guerre entre la Russie et l’Ukraine, bien qu’ancrée en Europe, ne se limite plus à son périmètre géographique initial. Désormais, l’Afrique devient un théâtre d’affrontement indirect, où les deux puissances cherchent à rallier les pays à leur cause. En juin 2025, l’Ukraine inaugure son ambassade à Nouakchott, en Mauritanie, l’une des huit nouvelles représentations diplomatiques africaines.

Cette manœuvre diplomatique s’inscrit dans un plan stratégique ukrainien visant à étendre son influence et à contrecarrer la présence russe dans le Sahel. Mais au-delà des relations institutionnelles, Kiev met en place une offensive humanitaire et militaire structurée.

« Grain from Ukraine » : entre aide humanitaire et intérêt politique

L’un des leviers de cette stratégie est le programme « Grain from Ukraine », lancé fin 2022 par le président Volodymyr Zelensky. Présenté comme une réponse à la crise alimentaire mondiale, ce programme vise à fournir des céréales aux pays africains et asiatiques en situation d’insécurité alimentaire.

En Mauritanie, plus de 400 tonnes de pois cassés ont été livrées en 2025 pour nourrir les cantines scolaires et les camps de réfugiés. Parmi les bénéficiaires figurent l’Éthiopie, la Somalie, le Yémen, le Kenya, le Soudan et la Mauritanie. Cependant, cette générosité soulève des interrogations : est-ce une aide désintéressée ou un moyen d’acheter l’influence politique ?

D’autant plus que certains de ces camps de réfugiés accueilleraient, selon des rapports, des séparatistes maliens fuyant le régime de Bamako. Si cela est confirmé, cela reviendrait à dire que l’Ukraine soutient indirectement des groupes opposés à des États africains souverains.

Formations militaires et transmission d’expérience : la guerre par procuration ?

Dans une volonté affichée de résister à la présence mercenaire russe dans le Sahel, l’Ukraine propose également des formations militaires aux forces mauritaniennes. En s’appuyant sur son expérience du front, Kiev se positionne comme partenaire sécuritaire capable de fournir des compétences tactiques à ceux qui, en Afrique, souhaiteraient s’opposer à l’influence russe.

Cette logique s’inscrit dans un conflit d’influence classique, où les ennemis de mes ennemis deviennent mes alliés. Mais former militairement des pays africains à partir d’un conflit étranger soulève la question : le continent est-il en train d’être enrôlé dans une guerre qui n’est pas la sienne ?

Ambassades africaines : la diplomatie opportuniste de Kiev

Avant 2022, l’Ukraine ne comptait que 10 ambassades en Afrique. Mais depuis le début de la guerre, une offensive diplomatique inédite est lancée : ambassades ouvertes à Accra, Abidjan, Kinshasa, Maputo, Gaborone, Kigali, Nouakchott et Dar es Salam.

Ce revirement soudain interroge. Pourquoi cette ruée diplomatique maintenant ? Certains y voient une prise de conscience tardive de l’importance géopolitique de l’Afrique, utilisée jusqu’ici uniquement comme levier de vote à l’ONU ou pour recevoir des aides humanitaires.

Les blessures encore ouvertes de la guerre : ségrégation et silence

L’engagement ukrainien en Afrique ne peut faire oublier les accusations de racisme subies par de nombreux Africains en Ukraine au début du conflit. Des témoignages poignants dénoncent des discriminations à l’évacuation des civils, notamment des femmes africaines à qui l’on refusait l’accès aux trains et bus.

Ces événements ont laissé une mémoire douloureuse et une méfiance persistante. Peut-on aujourd’hui considérer la stratégie africaine de l’Ukraine comme sincère, après avoir marginalisé ceux-là mêmes qu’elle tente maintenant de séduire ?

La Mauritanie, choix stratégique ou terrain fragile ?

Pourquoi la Mauritanie ? Ce pays est aujourd’hui au centre de la stratégie ukrainienne. Pourtant, la Mauritanie traîne un lourd passé et un présent controversé : esclavage toujours présent, discrimination raciale systémique, renvois massifs de Noirs mauritaniens vers le Sénégal…

Malgré une législation criminalisant l’esclavage, les condamnations sont rares. Le pays est considéré comme l’un des plus racistes du monde, et cela interroge sur le choix d’un tel partenaire stratégique. D’autant plus que la Mauritanie reçoit des millions d’euros pour lutter contre l’immigration illégale, parfois au prix de traitements inhumains infligés aux migrants noirs.

L’arme de la géopolitique : jusqu’où ira la guerre d’influence ?

L’Ukraine cherche à briser l’influence russe en Afrique à tout prix. Mais à quel coût ? La frontière entre coopération diplomatique et ingérence stratégique devient floue.

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont coupé leurs liens avec Kiev, dénonçant une politique étrangère menaçante pour leur stabilité. En parallèle, le Sénégal a réagi fermement lorsque l’ambassadeur ukrainien s’est réjoui de la mort de Maliens après une attaque. Ces réactions montrent une fracture grandissante entre l’Afrique de l’Ouest francophone et l’Ukraine.

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Conclusion : L’Afrique à l’épreuve d’une guerre qui n’est pas la sienne

En définitive, l’Ukraine redéfinit sa place en Afrique par une politique offensive, faite d’ambassades, de céréales et de militaires formés. Mais cette stratégie est ambivalente. Derrière l’aide humanitaire, certains voient une guerre de substitution, où l’Afrique sert de champ de bataille géopolitique entre grandes puissances.

Le continent, encore marqué par les humiliations historiques et les alliances conditionnées, ne doit pas perdre de vue son intérêt premier : la paix, la dignité et la souveraineté.