Afrique

Affaire Joël Pollak : Pourquoi les États-Unis Menacent de Fermer leur Consulat en Afrique du Sud

La volonté de l'Afrique du Sud de rebaptiser une rue en l’honneur d’une militante palestinienne crée un conflit diplomatique avec Washington.

Le consulat américain à Johannesburg est au cœur d’une vive controverse. En cause : la décision de l’Afrique du Sud de renommer Sandton Drive en Leila Khaled Drive, du nom d’une militante palestinienne associée à des détournements d’avion. Joël Pollak, pressenti pour être ambassadeur américain en Afrique du Sud, menace de fermer le consulat si ce changement est maintenu. Cet incident met en lumière les tensions croissantes entre Washington et Pretoria sur fond de solidarité pro-palestinienne et de rejet de l’ingérence étrangère.


L’Afrique du Sud et la Guerre des Noms : Une Démarche de Réappropriation Identitaire

Depuis plusieurs années, l’Afrique du Sud mène un vaste processus de décolonisation symbolique de son espace public. Cela se traduit par la modification de noms de rues, d’avenues et de lieux publics, longtemps associés à l’apartheid ou à des figures coloniales. Ce mouvement vise à honorer les résistants africains et les figures de lutte contre l’oppression.

Dans cette dynamique, la ville de Johannesburg envisage de renommer Sandton Drive – une artère emblématique de la capitale économique sud-africaine – en Leila Khaled Drive, en hommage à Leila Khaled, militante palestinienne connue pour avoir participé à des détournements d’avions dans les années 1960.


Leila Khaled : Héroïne de la résistance ou terroriste ?

Leila Khaled est une figure emblématique du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), organisation marxiste-léniniste inscrite sur la liste des groupes terroristes par les États-Unis. En 1969, elle a participé au détournement d’un vol entre Rome et New York, sans faire de victimes, avant de faire exploser l’avion après l’évacuation des passagers.

Pour les Palestiniens et une partie du monde militant, Leila Khaled incarne la lutte pour la libération de la Palestine. Pour d’autres, notamment dans l’axe occidental, elle reste une pirate de l’air assimilée à une terroriste.


Joël Pollak : Un Nom Controversé au Poste d’Ambassadeur

Joël Pollak, né en Afrique du Sud mais naturalisé américain, est pressenti pour devenir ambassadeur des États-Unis à Pretoria sous l’administration Trump. Connu pour ses positions conservatrices et son implication dans des médias d’extrême droite comme Breitbart, Pollak a également été proche de politiciens sud-africains accusés de racisme, comme Tony Leon.

Il s’est vivement opposé à ce projet de changement de nom, menaçant ouvertement :

« Si cette rue est renommée Leila Khaled Drive, nous fermerons le consulat américain pour toujours. »

Ce chantage diplomatique choque une grande partie de l’opinion publique sud-africaine, qui y voit une tentative d’ingérence flagrante dans les affaires internes d’un État souverain.


Une Relation Sud-Afrique – Palestine Historiquement Solide

La volonté de rebaptiser Sandton Drive s’inscrit aussi dans un contexte de solidarité historique entre l’Afrique du Sud et la Palestine. Nelson Mandela lui-même avait affirmé :

« Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. »

Durant l’apartheid, Yasser Arafat et l’OLP ont soutenu activement l’ANC, parti de Mandela. Aujourd’hui, cette mémoire partagée continue d’alimenter une proximité politique entre les deux peuples, renforcée par les récentes tensions au Proche-Orient.


Escalade diplomatique : tensions croissantes entre Pretoria et Washington

La crise ne s’arrête pas à la menace de Pollak. Les tensions diplomatiques entre les États-Unis et l’Afrique du Sud ont été exacerbées par :

  • L’expulsion récente de l’ambassadeur sud-africain aux États-Unis, accusé d’être pro-palestinien et anti-américain.
  • Des déclarations critiques de l’Afrique du Sud à l’égard de la politique étrangère de Trump, jugée oppressive et impérialiste.
  • Le soutien croissant de l’Afrique du Sud à la cause palestinienne, qui est vu par certains comme une provocation envers les alliés de Washington.

Symbolisme et documents officiels : le vrai problème des États-Unis ?

Le changement de nom poserait un problème administratif majeur pour les Américains. En effet, si le consulat se retrouve situé au 1 Leila Khaled Drive, il serait contraint d’utiliser ce nom sur ses documents officiels, adresses diplomatiques, en-têtes de courrier, etc. Or, pour une diplomatie américaine alignée sur la position israélienne, il est inconcevable d’être symboliquement associé à une figure jugée terroriste.


Résistance politique en Afrique du Sud : l’EFF monte au créneau

Le parti politique sud-africain EFF (Economic Freedom Fighters), dirigé par Julius Malema, a immédiatement réagi aux propos de Joël Pollak, le qualifiant de raciste et indésirable. Le parti demande expressément que sa nomination au poste d’ambassadeur soit annulée.

Pour l’EFF et d’autres figures politiques, cette affaire illustre la tentative d’hégémonie culturelle et diplomatique des puissances occidentales, et la nécessité de préserver la souveraineté sud-africaine dans les décisions symboliques et identitaires.


Le deux poids deux mesures dénoncé

Un fait soulève particulièrement l’indignation : alors que Donald Trump a lui-même renommé des sites emblématiques comme le Golfe du Mexique en « Golfe Américain », sans protestation internationale, il serait « inacceptable » qu’une rue en Afrique du Sud soit rebaptisée au nom d’une militante palestinienne.

Cette différence de traitement est perçue comme une hypocrisie diplomatique, voire comme un néocolonialisme symbolique, où seuls certains pays auraient le droit de redéfinir leur mémoire collective.

A Lire: Phil Craig veut diviser l’Afrique du Sud : un projet d’indépendance blanche au Western Cape alarme la nation


Conclusion : Un affrontement idéologique bien plus large

L’affaire Joël Pollak vs Leila Khaled Drive est bien plus qu’un conflit autour d’un nom de rue. Elle symbolise un choc des valeurs, un déséquilibre des rapports Nord-Sud, et une volonté croissante des pays africains de réaffirmer leur souveraineté.

Elle soulève des questions fondamentales :

  • Un État souverain peut-il être menacé pour avoir choisi ses propres symboles ?
  • La solidarité avec les peuples opprimés est-elle devenue un acte subversif ?
  • Peut-on encore parler de diplomatie équilibrée quand les puissances imposent leur vision du monde ?

Face à ces enjeux, l’Afrique du Sud semble déterminée à défendre sa liberté de nommer, de se souvenir, et de résister.

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Plongez-vous dans un univers captivant où chaque texte est une fenêtre ouverte sur des sujets variés, allant de la géopolitique africaine aux questions de vie et de la société africaines et autres. Zack Mwekassa: Le Guérier Noir, Votre Frère.

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